Quoi d’étonnant, qu’à la veille du Salon du Livre, la presse ait accordé cette semaine une si large place, dans ses colonnes, à la littérature russe ? Les articles mis bout à bout dessinent au final un tableau plutôt contrasté de cette littérature venue du froid, téléguidé fatalement par des considérations géopolitiques et idéologiques différentes. D’abord, comme pour la Chine l’année dernière, la Russie, c’est d’abord la promesse de nouveaux marchés pour l’Occident. Les agents littéraires se sont substitués aux agents secrets, à l’image d’Anastasia Lester, dont Fabrice Piault, de Livres Hebdo, brosse le portrait : « Cette moscovite tout juste trentenaire, diplômée à l’université Lomonossov, est devenue en cinq ans la principale vendeuse de droits français en Russie ». Comme le confie Michel Parfenov, traducteur et responsable des éditions Solin et de la collection « Lettres russes » chez Actes Sud, à par Pierre Cattan du magazine TOC, après une génération spontanée qui « venaient de sphères totalement différentes », « il y a maintenant des gros éditeurs, des groupes, ceux qu’on appelle en Russie « les monstres » » Si, selon les dires des éditeurs russes, « la distribution reste le principal problème », « très majoritairement privée », l’édition doit se faire à un « Etat qui n’intervient plus du tout dans la culture ».
On se rappelle qu’il y a un an à peine, "Nabokov était menacé d’expulsion" ! C’est Lorraine Millot de Libération, qui tirait la sonnette d’alarme le 7 février 2004. Après la révolution bolchévique en 1917, la maison natale de Nabokov à Saint-Pétersbourg, rue Bolchaïa-Morskaïa avait été laissée à l’abandon. Transformée en musée en 1998, « par quelques amateurs de Nabokov », le musée avait accumulé les dettes et « risquait de s’éteindre faute de ressources ».
Que reste-t-il aujourd’hui de la littérature russe, celle qui « accoucha jadis de tant d’enchanteurs », selon André Clavel de Lire ? Cet « enchanteur » qui est le double de l’écrivain, comme le rappelle Nabokov : « On peut considérer l'écrivain selon trois points de vue différents: un conteur, un pédagogue, un enchanteur....mais par-dessus tout un écrivain est un magicien... »
Dominique Fernandez, du Nouvel Observateur, en est certain : « Un pays de grande tradition littéraire ne peut se tarir tout à coup, quels que soient les difficultés économiques, les convulsions politiques, l’effondrement d’un système qui n’a pas encore été complètement remplacé. »
Tous les observateurs s’accordent pour parler de « mutations » depuis la fin de la Guerre Froide… Pour le reste, c’est une question d’appréciation, de dosage, de nuances. Pour Natalia Ivanova, critique littéraire et rédactrice en chef adjointe de la revue littéraire Znamia, qui intervient dans le Magazine littéraire, on peut, à juste titre, évoquer un « renouveau littéraire » : « Je ne suis pas sûre que ce soit le cas pour toute la Russie, mais dans la littérature russe, la victoire de la démocratie est clairement établie. Le paysage littéraire actuel est fantasque, et le lecteur exigeant peut satisfaire ses goûts les plus pointilleux. »
André Clavel, pour Lire, est moins optimiste : « Longtemps la littérature russe est restée dans le rouge. Elle en est sortie, poussée par les vents de la perestroïka, mais elle semble désormais s’enfoncer dans le noir. Du noir très noir. » La jeune littérature russe ? « Une sorte de bateau ivre dérivant sur un océan de vodka frelatée ». Les sujets abordés ? Ce sont les « idéaux d’une humanité éternellement humiliée, qui sera passée de « l’archipel du goulag » à « l’archipel du goulot » avant de se réveiller avec une terrible gueule de bois » Andréï Nemzer, critique très reconnu à Moscou, est plus mesuré, quand il dresse pour Livres Hebdo « un panorama engagé du nouveau paysage littéraire russe » : « Depuis le début des années 1990, notre littérature ne connaît plus aucun interdit. Mais le contexte a changé. Quand un écrivain s’attaquait, dans la dernière période soviétique, à des sujets tabous (…) ou utilisait des formes « inhabituelles » (…), il ouvrait une brèche qui lui assurait d’emblée la bienveillance du lecteur. Aujourd’hui, ces thèmes et ces formes littéraires ont perdu la saveur du fruit défendu. Mais tous les écrivains n’ont pas intégré cette mutation. Beaucoup ont cru qu’il était temps pour eux d’en faire leur fond de commerce. Et le ressentiment contre l’ingratitude des temps nouveaux est venu renouveler la mélopée d’un grand nombre de ces Coryphées du passé.» C’est sûrement Michel Parfenov qui a le mieux résumé la situation, dans l’entretien qu’il a accordé à Pierre Cattan, pour le magazine TOC : « Le problème de tous [les nouveaux auteurs], de quelque façon qu’ils s’y prennent, est d’arriver à digérer le passé. Ils se demandent tous comment faire passer cette histoire du XXe siècle qui est inouïe, tragique, épouvantable ! Mais cette liberté encore nouvelle fait que des écrivains se laissent aller à « sur-écrire », ça peut friser le n’importe quoi ! Il y a aussi une volonté de choquer (…) ce qui importe, c’est que la littérature existe de nouveau, même si ce n’est pas un grand moment de la littérature russe (…) Je me demande souvent si la littérature russe d’aujourd’hui n’a pas trop souffert des dix ans de totalitarisme. Physiquement, on le voit dans la rue sur les gens abîmés avant l’âge. Pour la littérature, c’est un peu pareil …» Il n’y a qu’Alexandre Zinoviev, interviewé par François Busnel, pour ne « voir aucun véritable écrivain aujourd’hui » Et de surenchérir « Non, aucun. La littérature russe actuelle, c’est de la merde. Ceux qui écrivent sur le passé soviétique sans l’avoir connu le falsifient à cent pour cent, ce qui est inadmissible, et les autres se complaisent dans la description d’une Russie qui se dégrade inexorablement. Il ne suffit pas de bien manier la plume pour être un bon écrivain, encore faut-il avoir quelque chose à dire. »
En 1936, à son retour d’URSS, Gide écrivait : « Je m’inquiète, je l’avoue, d’entendre au Congrès des écrivains, à Moscou, grande quantité d’ouvriers de toutes sortes qui demandent aux écrivains : parlez de nous, représentez-nous, peignez-nous (…) La littérature ne se contente pas d’imiter ; elle informe ; elle propose ; elle crée. » Gageons que la nouvelle génération d’écrivains russes saura, un jour, renouer avec les ambitions gidiennes.
je recherche une femme russe pour marraiage.
Rédigé par : fateh | 18 mars 2006 à 21:29
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Rédigé par : fateh | 18 mars 2006 à 21:33