« On a rarement vu autant de romanciers changer de maison d'édition en si peu de temps. » C’est le constat par lequel Mohammed Aïssaoui, du Figaro, débute son article consacré aux «grands transferts dans l'édition ». Diaporama à l’appui, le journaliste file la métaphore footballistique pour décrire cette nouvelle tendance de la « planète édition » : « Comme dans le monde du football, ce sont les petites équipes qui souffrent le plus. » ! Et de conter la mésaventure d’Anne Carrière qui vient de se faire rafler Paulo Coelho par Flammarion, filiale du groupe italien RCS Rizzoli. C’est que l’enjeu excède nos frontières, il devient européen : «On recherche des auteurs capables de doper les ventes, non seulement en France, mais aussi à l'étranger, et de susciter des adaptations sur le grand écran», raconte un éditeur. » Plus question de revendiquer une quelconque exception culturelle, ce qui compte à présent pour un éditeur c’est que l’écrivain soit exportable : « On comprend mieux pourquoi, sur la liste des transferts, figurent Coelho (il a été traduit dans 45 pays), Houellebecq, Catherine Millet (ils ont été classés parmi les meilleures ventes en Allemagne, en Italie, en Espagne...) »
On comprend mieux pourquoi aussi, étonnamment, dans ce diaporama, ne figurent aucun des 15 écrivains français qui ont le plus vendus de livres en 2004, liste publiée par le magazine Lire en mars 2005. Les auteurs « bankables », comme les appelle Daniel Garcia dans son article consacré au sujet, sont d’autant plus « opéables » que leurs livres se lisent - et se vendent - à l’étranger.
Pour l’heure, nombreux parmi eux sont ceux qui disent rester fidèles à leurs éditeurs.
Bernard Werber, par exemple, qui a empoché, en 2004, 840 000 euros pour 660 000 exemplaires vendus, tous livres confondus, n’a pas l’intention de quitter Albin Michel. Garcia tient une explication : « C'est parce que Richard Ducousset, le vice-président d'Albin Michel, fut le seul à accepter ses Fourmis, en 1991 (50 000 exemplaires «seulement» vendus à leur sortie, mais plus d'un million, ensuite, en édition poche), que Bernard Werber reste fidèle à l'éditeur de la rue Huyghens. » D’autre part, tous les « petits éditeurs » ne connaissent pas les infortunes d’Anne Carrière, quoi qu’en dise Sophie Martin, directrice générale d'Ipsos Culture : «On observe que les «petites» maisons d'édition découvrent les talents, et ces derniers rejoignent ensuite les grands groupes, avec des à-valoir plus importants à la clé. ». Viviane Hamy conserve son auteur-phare, même si, comme elle le dit avec d’humour, «toute l'édition française a essayé de me piquer Fred Vargas. » Quant à Anna Gavalda, deuxième « plus grosse fortune de l’édition française 2004 », derrière Marc Lévy, elle n’envisage pas de quitter le Dilettante. Alors, innocente comme l’agneau qui vient de naître la Gavalda ? Pas exactement, si l’on en croit l’interview pleine d’ironie qu’elle a accordée à Daniel Garcia en mars 2004 : « J'ai cette aura de la bonne fille qui n'aurait pas cédé aux gling-gling des sacs d'or, mais la réalité est moins chevaleresque: si je reste au Dilettante, c'est aussi par intérêt. L'estime des libraires, la bienveillance des lecteurs, mes livres qui sont de beaux objets en soi et, surtout, cette indifférence totale aux règles du marketing m'enchantent. S'il avait fallu s'en tenir aux diktats du marché et toutes ces foutaises, je n'existerais pas. Toutes les grandes maisons qui avaient refusé mon premier manuscrit m'avaient répondu: «Les nouvelles ne se vendent pas.» » Et quand on lui parle d’à-valoir, elle sort son revolver : « J'en refuse le principe, car je suis convaincue que les à-valoir ne sont pas une bonne chose. Je n'aimerais pas écrire un livre dans l'idée de rembourser une somme, ça m'angoisserait. »
On trouve même, ces temps-ci, des écrivains très médiatiques qui n’hésitent pas à confier leurs œuvres à des « petits éditeurs ». Récemment, c’est Alberto Manguel qui a publié son dernier essai Pinocchio &Robinson à L’Escampette : « Je suis fidèle à mon éditeur français, Actes Sud. Mais Claude Rouquet, de l’Escampette, a l’œil : il a trouvé dans ces trois textes écrits à des années de distance une cohérence, une pertinence. Il fait partie des résistants à la bêtise. Il y en a encore quelques-uns ; ils sont dans une situation précaire. Notre santé mentale dépend de ces éditeurs-là, les curieux, les pas très riches mais libres ! »
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Moi c'est google qui me propose 1,5 millions d'Euros pour héberger mon blog et ses nombreux lecteurs (avec un nouveau système de pub, j'ai rien compris).
Rédigé par : Newbie Ocean | 27 avril 2005 à 16:57