Philippe Lançon tire le portrait de Frédéric Beigbeder, pour Libération, sous le regard amusé de papa/maman. L’accroche beckettienne – Fin de party - est plutôt bien choisie pour dire l’absurde d’un personnage qu’on voudrait nous présenter comme arrivé malgré lui : « L'histoire de Frédéric Beigbeder est celle d'un type qui ne choisit pas. » A part ça, l’article est au journalisme ce que Paris-Match est à la presse d’investigation et Beigbeder à la littérature. Une phrase toutefois a retenu mon attention : « Les phrases qu'il dit sont comme celles qu'il écrit dans son nouveau livre, l'Egoïste romantique. Des formules chantant le désenchantement, sises entre paradoxe et dérision. » Du côté de l’écrivain, on écrit comme on parle et du côté du journaliste, on ment comme on respire. La littérature devient le reflet de l’idiolecte de chacun, sinistre ou plein de dextérité, c’est selon… Et cet idiolecte - qui est la « façon de parler propre à un individu, considérée en ce qu’elle a d’irréductible à l’influence des groupes auxquels il appartient » selon le Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage de Ducrot et de Todorov - s’étend comme la marée noire de l’Erika dans laquelle la pensée s’englue. Il contamine œuvres littéraires, interviews, essais critiques. Quoi d’étonnant, puisqu’on écrit comme on parle !
Prenons l’exemple de Christine Angot : en février elle accorde une interview à Daniel Garcia, de Livres Hebdo, pour expliquer son départ de la maison d’édition Stock. Elle tente de définir la fonction d’un éditeur : « L’éditeur, c’est donc celui qui va socialiser le texte (…) L’éditeur va le rendre recevable. Il va mettre sa couverture dessus et il va faire en sorte que ça devienne un objet de société. La littérature, c’est une parole de rien et avec ce rien-là, un écrivain va écrire quelque chose qui va se tenir, parce qu’il n’aura pas eu peur de faire avec rien. » On dirait, à s’y méprendre, une page de l’Inceste !
Le langage et son double, c’est fini… En revanche, l’écrivain qui écrit-comme-il- parle, à l’instar de Beigbeder, il est partout ! Narcisse qui n’a pas peur de la noyade, il s’ébroue sans vergogne dans ses propres chroniques, dans les critiques des œuvres des autres, de ceux qui n’écrivent pas comme ils parlent : dans un papier qu’il publie au sujet de Malaparte, dans l’Atelier du Roman, excellente revue au demeurant, Beigbeder réussit à placer la sienne. « Rien n’est plus esthétique qu’un Tsunami sur Phuket », qu’il dit (écrit ?), pour légitimer l’exigence de dire le vrai, à laquelle doit s’astreindre toute littérature digne de ce nom. Et de faire la promotion d’un de ses romans à venir : « Je venais de passer la nuit avec Ling, une adolescente à la peau couleur mile dénichée à l’Extasy-a-Gogo, 50/51 Rat-U-Thit Road, contre 3000 baths, et je sirotais calmement ma première Singha Beer au bar du Patong Beach, quand soudain les oiseaux ont cessé de chanter. » (Incipit de L’Horaire préféré de la catastrophe de Frédéric Beigbeder, Grasset, à paraître en août 2008 »)
Lançon croit émouvoir ses lecteurs quand il écrit de Beigbeder « Certains le haïssent comme on hait son époque. Par ailleurs, il est gentil. » Est-ce réellement de la haine ? Peut-être pas… De la lassitude plutôt. « Et s’Il est difficile de trouver les mots justes pour écrire tout le mal qu'on devrait penser de soi », laissons faire les autres : Pivot mais aussi certains bloggueurs-hommes ou femmes de lettres, qui en ont soupé de la Terreur dans les lettres, exercée par des révolutionnaires qui n’en sont pas. Ainsi, Jean-Christophe Grellety lance sur son blog, l’Action littéraire, une initiative qui vise à ranimer une République des Lettres jugée moribonde : « La "vie littéraire" française, et plus largement francophone, vous paraît-elle compter un mot de trop - la vie ? Et s'il ne tenait qu'à nous de lui insuffler une part de dynamisme qui viendrait, enfin, bousculer l'ordre bourgeois des choses et des êtres, ce luxe, ce calme, et cette volupté d'une mort annoncée ?
Figure par excellence de notre problème - Frédéric Beigbeder. » Grellety propose d’adopter le logo, « no beigbeder », « le label contre la malbouffe mentale »… que j’imagine déjà accroché au veston Hugo Boss de l’écrivaillon jeté à la vindicte populaire. Les raisons de cette campagne littéraire et son manifeste sont à consulter ici…
Au Coq, on aimerait croire que Beigbeder c’est l’arbre médiatique qui cache la forêt, et que de chêne qu’il est aujourd’hui, il sera bonsaï demain…
Ecrire comme on parle, ce n'est pas forcément mauvais, à condition que l'on parle bien. Le tout bien sûr, c'est de savoir ce que c'est que bien parler.
Mais votre propos, si j'ai bien compris, c'est de replacer la littérature sous la dictature du bien écrire. Mais bien écrire, c'est quoi ? C'est Mauriac ? C'est Mark Twain ? C'est Wole Soyinka ? C'est Virgnie Despentes ?
Rédigé par : Beed Hule | 27 avril 2005 à 20:24
Pourquoi l'article de Lançon n'apporte rien ? Parce qu'il est tout de même sidérant d'envisager le portrait d'un individu dans une distance aussi "faible". Problème de perspective, photographique, mais donc journalistique, déontologique, car comment envisager un "portrait" avec les dits de papa et maman Beig ? Mais les rares citations de Beig le définissent parfaitement; il ne vit, ni n'existe ici, puisque "L'important, c'est le voyage et ne pas être ici.» Ne pas être ici ? C'est-à-dire à Paris, en France ? Oui, il a raison. Lui qui, paraît-il, selon son père, n'aime pas "les possessions, c'est bourgeois, ça ne l'intéresse pas. C'est un bon côté de Frédéric.» (qui a remarqué que le truc des bourgeois consiste toujours dans cette contradiction pratique, le mépris, catholique, de l'avoir, et la recherche, frénétique, de l'avoir, des "valeurs" ?), lui qui, au contraire, n'aime que les possessions (un nom-marque, des verres stark, un costume de chez... selon Elizabeth Fleury), il n'existe pas ici, puisque lui et sa classe fantomatique, déteste, Paris, la France, le peuple, et lui préfère, toujours, l'ailleurs. Sauf que, malheureusement, lui et ses amis ne partent toujours pas, et encombrent, le pavé, la place publique, qu'ils méprisent. Eénième contradiction, comme celles des catholiques, ici, partout, tout le temps. Et c'est pourquoi, oui, je lui demande à lui, de partir, lui, le symbole, lui le fer de lance, lui, le "people parmi les peoples", lui qui répand la maladie du goût des peoples chez ces Français qu'ils détestent, comme Esterhazy, le vrai traître de l'affaire Dreyfus.
Il n'est pas, donc, à mon sens, un "arbre", qui cache la forêt, ou alors il en est le modèle, le principe, "la matrice". Nous avons le choix entre la Beigbédérisation de la vie littéraire, parisienne, française, déjà bien engagée, ou une vraie, renaissance, à partir du divers français, à partir de celles et de ceux qui vivent ici, et qui n'ont pas encore renoncé à faire de cet ici, un bel ici, un "vierge, vivace et bel aujourd'hui". Mais pour cela, il faut que cet ectoplasme et ses frères quittent Paris, désertent, nous foutent la paix, nous laissent vivre en liberté d'eux. Car, actuellement, ils sont néfastes, car ils sont derrière toute la presse people, et derrière la presse people, c'est la noblesse française et européenne qui essaie de sauver sa peau, face à l'ethnocide qui la menace, car eux qui croient, par naissance et par éducation, être tout, savent qu'ils ne sont rien, mais veulent à tout prix être "écrits" et aimés dans les têtes populaires. Le "No Beigbeder" est un "Oui à Wilfried Salomé", et à ceux qui, en France aujourd'hui, vivent, sans être connus, alors qu'ils peuvent nous apporter des plaisirs, du bonheur, de l'intelligence.
Ce "No Beigbeder" signifie sur un plan personnel un certain nombre de faits, de conduites, de déterminations :
- ne jamais lire la presse people;
- ne pas acheter les livres des peoples
- ne pas regarder TF1, au moins !
- ne pas accepter les "valeurs" bourgeoises, les meubles, les tableaux
- travailler à faire de notre "ici", de nos "ici", quartiers, villages, des lieux esthétiques et animés par la joie de vivre (car Beig participe de l'action, littéraire, politique, des "corbeaux", qui veulent nous infuser le malheur, le dégoût de la vie, en fait, la stérilité)
Et préparer avec un plaisir immense un feu de la Saint-Jean où chacun pourra apporter un livre de Beigbeder et consorts, nourrir le grand feu qui annonce ceux de l'été, et méditer sur ce qu'il ou elle peut faire pour faire "bouger les lignes" françaises. Ni plus, ni moins.
Rédigé par : grellety | 28 avril 2005 à 13:20
Je me permets de venir ici me répandre... Décidément, Beigbeder doit être condamné à faire couler plus de mots qu'il n'en écrit...
Je ne vois pas en quoi il est si néfaste, ce Beigbeder, pour la littérature française. En quoi il est sale ou dangereux... Parce qu'il ne fait pas dans le classique et la qualité? Parce qu'il affiche un pseudo mépris qu'on peut légitimement imaginer quasi total pour son public-lecteurs-consommateur?
J'ai envie de dire, et alors?
J'aime la bonne cuisine, et cotoie quelques restaurants que j'apprécie. Pour autant, je ne pars pas en croisade comme José Bové pour démonter des fast food...
Que vous empêche donc de faire Beigbeder? De choisir vos lectures? Grand Dieu, j'espère que non!
Son image et sa surexposition dans la presse, alors, qui masque tous les auteurs qui mériteraient, au juste titre d'écrire de façon originale et intelligente, de paraître à sa place?
Vous n'êtes pas honnête, vous seriez le premier(e) à pester de perdre vos auteurs de l'ombre, ces écrivains minuscules pour les happy few que vous êtes...
Si vous le méprisez tant, le Frédéric, laissez-le où il est et parlez d'autres écrivains qui eux valent le coup d'oeil et arrêtez de fustiger un ordre des choses que ni vous ni moi ne pouvons changer... Contentons-nous seulement et égoïstement de choisir autre chose.
Beigbeder est là et existe parce qu'il y a une demande, une envie... Comme la télé réalité ou le bid deal...
Je lui reconnais un sens de l'à propos et une gymnastique de la communication tout à fait remarquable. Et le pire, c'est qu'il pourrait écrire des choses intéressantes. Mais pourquoi s'embêterait-il?
Il citait justement Eminem, ce rappeur américain, dont il aimerait le parallèle évident à talents équivalents...
Now this looks like a job for me
So everybody just follow me
Cuz we need a little controversy
Cuz it feels so empty without me...
Pitié, n'en faisons pas tout un flan... Qu'on s'épargne au moins de bêtement nourrir la promotion de son livre...
Rédigé par : dash | 28 avril 2005 à 13:55
Cette idée de plus en plus admise que l'idiolecte de tout un chacun doit s'imposer comme modèle littéraire est tout de même préoccupante. Comme est encore plus préoccupant le fait que cette manière de procéder répond à un besoin du public, comme le souligne un des intervenants ici.
En fait l'écrivain dont il est question ici correspond bien à son époque, où tout est servi au lecteur sur un plateau. Au lieu de proposer des oeuvres bien écrites et qui demandent éventuellement un effort de la part de celui qui les lit, on préfère caresser le public dans le sens du poil, ce qui assurera bien entendu des chiffres de vente impressionnants. Ensuite on prendra prétexte de ce chiffre de ventes pour consacrer l'écrivain et le porter aux nues.
Il fut un temps, pas encore si lointain, où l’écrivain se devait d’employer un certain langage, dont il était en quelque sorte le garant. Des grammairiens comme Grevisse fondaient encore leur bon usage sur des exemples littéraires. C’est que si tout un chacun a le droit d’employer la langue française comme il l’entend, l’écrivain, lui, était supposé maîtriser cette langue mieux que tout autre, la pousser à la perfection en quelque sorte. D’où cette idée, la langue évoluant par nature, qu’une tournure grammaticale était correcte à partir du moment où un grand nombre d ‘écrivains l’employaient.
Ce prestige du littérateur a été battu en brèche. La linguistique a combattu cette idée de bon usage. De son point de vue, elle a raison, évidemment. Dans une approche purement diachronique, tout se vaut. La langue de XII° siècle n’est pas inférieure à celle du XVI° qui vaut bien celle du XVII°, etc. Dès lors, lorsque l’on se place en synchronie, pourquoi privilégier un usage plutôt qu’un autre ? Tout va tout de même évoluer et les fautes d’aujourd’hui seront les règles de demain. Il n’empêche que ce relativisme intempestif a cependant ses limites. Si on prend une langue à un moment donné, elle doit tout de même respecter des règles internes (arbitraires, certes, je n’en disconviens pas ) qui assurent sa souplesse et qui finalement permettent une meilleure compréhension du message. Mais non, on a dit que tout se valait et qu’à la limite, comme je l’ai entendu l’autre jour, le langage argotique employé par les adolescents surpasserait celui des Académiciens. Dans un tel contexte où un jeune ne doit plus faire l’effort scolaire de maîtriser un certain niveau de langue mais où ce sont les linguistes qui viennent admirer ses trouvailles néologiques, on comprend que les écrivains qui auront du succès seront ceux qui « écriront comme on parle ».
Triste époque tout de même car si l’écrivain n’a plus de langue spécifique, quelle définition donnerons-nous à la littérature ? Tout le monde peut écrire n’importe quoi n’importe comment. Si la langue n’est plus ce qui fait l’écrivain, l’histoire racontée n’est plus un critère non plus. Depuis le nouveau roman, l’intrigue est passée à la trappe. Sans histoire et sans langage spécifique, qu’est-ce qui fait qu’un roman est un roman ? Roland Barthes s’était déjà posé la question : est littéraire ce que j’ai décidé qui l’était, phrase où le « je » renvoie à l’auteur bien entendu. Ainsi donc Beigbeder est un écrivain parce qu’il a dit qu’il l’était. Et tout le monde l’a cru, dommage.
Rédigé par : Feuilly | 29 avril 2005 à 09:05
Moi si j’étais Beigbeder et que je lisais tout ce que l’on dit de moi ici même, bien que sachant que je suis un mauvais ou même pas du tout un écrivain, je serais ravi que l’on parle de moi ! Un peu comme une star people un peu oubliée du public qui négocie avec les paparazzi pour être à la une des magazines people ! Ce qui est fou c’est qu'ici, on ne paye pas ni ne négocie pour être entendu ! Mais pourquoi donc faire autant de place à quelqu’un que l’on considère comme un mauvais, alors que tant de bons sont méconnus ?
C’est sans doute par ce que le succès médiatique questionne et n’indiffère pas ce qui n’en ont pas ! Moi, Beigbeder, que je n’ai pas lu parce que ce qu’il raconte à la télé me fait gerber, je l’ignore, et je râle de voir qu’il prend autant de place dans ce blog qui n’est pas un blog people !
Ah! J’oubliais les grandes maisons d’éditions aiment bien les troublions ça flatte leur vanité … et plus peut-être ?
Bon c’est quand qu’on fait se fait une révolution bataille d’Hernani, un manifestes du surréalisme, du lettrisme, un internationale situationniste ?
A compte d’auteur s’entend parce que pour vendre du papier la toile c’est pas le lieu. Dans dix ans on lira plus d’ouvrages électroniques que d’imprimés … Patience donc … En un clic déjà ou presque on peut lire et écrire sur Internet mais pas y gagner sa vie avec ça plume ! Normale pourquoi me payerait-on pour mes états d’âme tandis que d’autres qui font vendre du papier sont très mal payé aussi.
GUIDU intermittent de la Toile en fin de droits pour cause de révolution cybernétique
et aussi iconographe de TERRES DE FEMMES de ANGELE PAOLI
Rédigé par : Guidu | 29 avril 2005 à 12:11
Je lis avec attention tous les commentaires que vous déposez ici... J'essaierai de répondre à chacun de vous quand je me serai défaite d'un papier que je tente d'écrire depuis hier et qui m'oblige à délaisser quelque temps ma petite ferme !
Rédigé par : Eli Flory | 29 avril 2005 à 12:20
Si je lis bien :
"Je me permets de venir ici me répandre... Décidément, Beigbeder doit être condamné à faire couler plus de mots qu'il n'en écrit...".
Précisément, non : puisqu'il s'agit de faire en sorte que, dans ce pays, les lecteurs, les citoyens ne soient pas condamnés à lire, entendre sur un Beigbeder, "plus de mots qu'il n'en écrit". Mais si nous ne faisons pas le constat que, de, si nous ne nous déterminons pas à ne pas, lire Beigbeder, accepter de considérer que ses livres puissent être de la littérature, que des médias, littéraires ou non, lui fassent de la publicité en veux-tu en voilà - il faut bien le dire, l'écrire, car sinon, le silence est, ou complice, ou résigné au fait social et économique. Et dans ce cas, on parle et on reparle de Beigbeder, ce qui est le cas partout - Elizabeth Flory a cité Libération, mais en passant un coup de fil à Flammarion et Grasset, nous aurions la liste de ses interviews, qui n'en finissent pas, malgré le livre, mauvais.
"Je ne vois pas en quoi il est si néfaste, ce Beigbeder, pour la littérature française"
Je ne vois pas, je ne vois pas, disait un aveugle. D'autres, voient, eux. Et ils se sont déjà expliqué là-dessus !
"En quoi il est sale ou dangereux... " Parce qu'il ne fait pas dans le classique et la qualité? Parce qu'il affiche un pseudo mépris qu'on peut légitimement imaginer quasi total pour son public-lecteurs-consommateur?"
Parce que ses récits largement autobiographiques n'ont aucun intérêt, qu'ils sont tous construits sur le culte des idoles parisiennes (le people, le jet-set), et que cette orientation psychologique et sociale est, oui, néfaste, pour des citoyens qui sont ainsi niés, publiquement, ostensiblement, officiemment, par cette caste incestueuse - parce que cette "littérature" n'est que le reflet d'une conscience "de classe", et que sa lecon, de vie, sociale, pour le monde entier, est celui du communautarisme du 7ème arrondissement - dont la matrice n'est ni plus ni moins que celui de la noblesse française. Faut-il vous faire une leçon sur le caractère néfaste de la noblesse française ? Sans doute, et je le ferai ailleurs et un autre temps...
"J'ai envie de dire, et alors?"
Vous l'avez dit !
"J'aime la bonne cuisine, et cotoie quelques restaurants que j'apprécie. Pour autant, je ne pars pas en croisade comme José Bové pour démonter des fast food..."
On a le courage qu'on peut, et les idées également...
"Que vous empêche donc de faire Beigbeder?"
Rien dans ma vie personnelle - mais il participe d'une gélification de la vie sociale, parisienne, et là, oui, moi, et des milliers de français, il m'empêche d'accéder aux moyens, largement parisiens, d'exister et de communiquer avec mes frères de langue et de destin, même si, fort heureusement, Internet me permet, nous permet, de contester ce contrôle social, économique et politique de "l'in-formation".
"De choisir vos lectures? "
Précisément : il ne m'empêche pas de choisir mes lectures, mais combien de fois ai-je vu dans des librairies des lecteurs prendre un exemplaire de Beigbeder parce qu'ils pensent pouvoir trouver là de la littérature, alors qu'ils sont simplement des consommateurs qui permettent à un fils de bonne famille de Neuilly de se constituer une rente de plus ? Et pendant qu'un lecteur achète un exemplaire de plus de Beigbeder, il n'achète pas un ouvrage de...
"Grand Dieu, j'espère que non!"
Vous espérez bien !
"Son image et sa surexposition dans la presse, alors, qui masque tous les auteurs qui mériteraient, au juste titre d'écrire de façon originale et intelligente, de paraître à sa place? "
Pas seulement, mais oui ! Et si je pense que les lecteurs francophones seraient mieux in-formés et plus cultivés s'ils pouvaient lire et connaître Wilfried Salomé, pour l'heure auteur "non connu" en France et dont le talent, et plus que le talent, le génie personnel, et donc littéraire, ferait du bien. Mais non ! Ca beig, bbbbbbbb....dd.
"Vous n'êtes pas honnête, vous seriez le premier(e) à pester de perdre vos auteurs de l'ombre"
certainement pas !
"ces écrivains minuscules pour les happy few que vous êtes..."
Il parle à qui ?
"Si vous le méprisez tant, le Frédéric"
Bien vu !
laissez-le où il est
C'est bien ce que je fais; et je ne m'intéresse pas à l'existant Beigbeder. J'ai déjà rencontré l'ectoplasme de près, et c'est ainsi que j'ai pu constater qu'il s'agissait d'un fantôme d'existence, dont le seul talent vital réside dans la vampirisation des idées, des phrases.
"et parlez d'autres écrivains qui eux valent le coup d'oeil"
C'est ce que je fais, ici, je le répète, lisez Wilfried Salomé, et son "Casa Nova".
"et arrêtez de fustiger un ordre des choses que ni vous ni moi ne pouvons changer..."
Vous ne pouviez pas dire mieux votre résignation. Je ne la partage pas.
"Contentons-nous seulement et égoïstement de choisir autre chose."
Non.
"Beigbeder est là et existe parce qu'il y a une demande, une envie... Comme la télé réalité ou le bid deal..."
Avec des idées d'une telle profondeur, TF1 et compagnie ont un bel avenir...
"Je lui reconnais un sens de l'à propos et une gymnastique de la communication tout à fait remarquable."
Je ne partage pas votre sentiment. Il est nul; à une autre époque, les écrivains l'auraient rossé publiquement.
"Et le pire, c'est qu'il pourrait écrire des choses intéressantes. "
Citez !
Mais pourquoi s'embêterait-il?
Il citait justement Eminem, ce rappeur américain, dont il aimerait le parallèle évident à talents équivalents... Now this looks like a job for me
So everybody just follow me
Cuz we need a little controversy
Cuz it feels so empty without me...
C'est tout de même cocasse, mais pas surprenant, qu'un fils de bonne famille de Neuilly rêve d'une vie de voyou. Et il faut bien dire que, en un sens, il en est un : réussir à vendre de la m..., à des milliers d'exemplaire, faire son boy de la jeunesse dorée parisienne à la télé républicaine pour formuler quelques grands principes pataphysiques sur l'existence, c'est en quelque sorte être un petit voyou.
"Pitié, n'en faisons pas tout un flan... "
Ca, c'est votre cuisine. Moi, je n'en fais pas tout un flan, mais une bataille, un symbole
"Qu'on s'épargne au moins de bêtement nourrir la promotion de son livre..."
C'est déjà fait, et au moins il aura été dit, par moi et par quelques autres : ne le lisez pas ! plus ! Sinon, qui l'a dit parmi les critiques littéraires patentés ?
Et puis dans le même registre :
"Moi si j’étais Beigbeder et que je lisais tout ce que l’on dit de moi ici même, bien que sachant que je suis un mauvais ou même pas du tout un écrivain, je serais ravi que l’on parle de moi ! "
Ravi ? Pour un temps - et sans doute en riant jaune; car c'est un début; et dans quelques mois, quelques années, nous verrons bien.
"Un peu comme une star people un peu oubliée du public qui négocie avec les paparazzi pour être à la une des magazines people ! Ce qui est fou c’est qu'ici, on ne paye pas ni ne négocie pour être entendu !"
S'il suffisait de pratiquer le silence sur un auteur pour qu'il cesse d'exister...
"Mais pourquoi donc faire autant de place à quelqu’un que l’on considère comme un mauvais, alors que tant de bons sont méconnus ?"
Ben justement...
"C’est sans doute par ce que le succès médiatique questionne et n’indiffère pas ce qui n’en ont pas ! Moi, Beigbeder, que je n’ai pas lu parce que ce qu’il raconte à la télé me fait gerber, je l’ignore, et je râle de voir qu’il prend autant de place dans ce blog qui n’est pas un blog people !"
Appliquez votre propre théorie; il y a d'autres messages d'Elizabeth Flory sur son blog, dans lesquels il n'est ni question de Beigbeder, ni de people...
"Ah! J’oubliais les grandes maisons d’éditions aiment bien les troublions ça flatte leur vanité … et plus peut-être ?"
Pas faux; et donc ?
"Bon c’est quand qu’on fait se fait une révolution bataille d’Hernani, un manifestes du surréalisme, du lettrisme, un internationale situationniste ?"
Bonne question ! Mais pour cela, il faudrait PENSER, ACTIVEMENT, parce que, pour nourrir une théorie, de l'esprit, un programme artistique, un code de lutte sociale, il faut quand même se taper des idées et du réel, et là notre époque...
"A compte d’auteur s’entend parce que pour vendre du papier la toile c’est pas le lieu. Dans dix ans on lira plus d’ouvrages électroniques que d’imprimés … Patience donc … En un clic déjà ou presque on peut lire et écrire sur Internet mais pas y gagner sa vie avec ça plume ! "
Mais combien de grands écrivains ont réussi à vivre de leur plume ? Est-ce cela qui importe ou l'oeuvre, le chemin qu'elle accomplit ? Internet ou pas, le temps ne permettra pas que, écrivains ou pas, "on" se contente, désormais, en France, d'idées générales, plutôt que d'idées précises, celles qui pourront nourrir un, des mouvements sociaux, artistiques, philosophiques. Quoiqu'il en soit, l'époque est au point mort, et Beigbeder participe de sa stérilisation active. Alors, je lui dis, No Beigbeder, comme je dis aussi No TF1, No Prisma Press, c'est-à-dire No Media - now !
Rédigé par : grellety | 29 avril 2005 à 15:46
Un des plaisirs du feu de paille - ou du feu d'artifices - c'est qu'il y a toujours une foule pour crier "Oh et Ah" et repartir content et une autre en trouvant qu'on les a fait se déplacer pour rien... Mais finalement, personne n'est dupe, tout ce qui ont assisté au spectacle ne vivent pas en y repensant. Qui me fera croire (fans à part) qu'il pense sincèrement dire dans 10 ans, "Moi? mon auteur favori? c'est Beigbeder" (mais je dis ceci tout en souhaitant à l'énergumène d'exister encore d'ici là malgrè son insoutenable légèreté de ne pas être).
Rédigé par : ess | 02 mai 2005 à 16:40
"Mais votre propos, si j'ai bien compris, c'est de replacer la littérature sous la dictature du bien écrire. Mais bien écrire, c'est quoi ?"
Beed Hule, si j’avais une réponse à votre question, je crois que j’aurais cessé de lire depuis longtemps !
Ne croyez pas que je me défile en vous répondant ainsi. Je lis avec autant de délectation Bret Easton Ellis ( à qui l’on fait souvent l’affront de le comparer à Beigbeder, quelle erreur !) que le Guilleragues des Lettres portugaises. Pour moi, « bien écrire », si tant est que la notion ait un sens, c’est faire entendre au lecteur une voix personnelle, un style aurait-on écrit en d’autres temps, qu’on ne saurait imiter sans tomber dans le pastiche ou la parodie. Tout le monde ainsi a « voix au chapitre » ! Mais d’un côté, il y a les artisans de la littérature, dont chaque création est « fabriquée main », tandis que de l’autre, on retrouve les industriels de l’écrit, dont les livres sont autant de produits manufacturés, imitables à l'infini.
Je vous conseille l’ouvrage de Gilles Philippe, Flaubert savait-il écrire ? L’universitaire grenoblois revient sur cette polémique qui a captivé la République des Lettres au début du XXe siècle, déclenchée par l’article de , paru en 1919 dans la Rose rouge, intitulé « Flaubert écrivît mal. » Gilles Philippe a réuni et présenté les textes de Paul Souday, Jacques Boulenger, Henry Céard, Albert Thibaudet, André Suarès… La querelle aurait pu être vaine, comme le sont la plupart des disputes littéraires… Gilles Philippe le rappelle à juste titre : « Les polémiques littéraires (comme les autres sans doute) n’ont pas pour vocation première de faire avancer la réflexion, de produire du savoir, de préciser les théories, mais tout simplement de reconfigurer la communauté des gens de lettres. »
Mais en 1920, le débat mute : « Le texte que Marcel Proust livre à La Nouvelle Revue françaisepropose une réflexion d’un ordre tout autre : la relation de Flaubert à la grammaire doit être envisagée sous l’angle esthétique et non plus à la loupe de la norme. » Ainsi, c’est « ce qui peut légitimement fasciner dans la querelle sur le style de Flaubert : qu’elle renouvelât à ce point l’analyse littéraire en France. »
J’en profite ainsi pour réagir à une phrase de Feuilly, qui écrit : « Des grammairiens comme Grevisse fondaient encore leur bon usage sur des exemples littéraires. » C’est juste… mais ce qui est curieux, c’est de voir , pour une même règle l’exemple comme le contre-exemple être piochés dans la littérature ! Je me reporte par exemple à la note 1018, qui donne la règle générale du mode qui suit la conjonction de subordination « après que » : Grévisse écrit qu’elle « régit logiquement l’indicatif (ou le conditionnel s’il s’agit d’un fait éventuel." Et pourtant, il souligne que de nombreux écrivains ne respectent pas cette règle : Gide, Duhamel, Mauriac, Montherlant… Peut-on dire que ces hommes de plume n'étaient pas des écrivains ? Certainement pas !
Le problème, ce n’est pas tant le contournement du bon usage, que l’absence de style, la facilité d’une forme, quelle qu’elle soit, sans contenu !
Oui, Guidu, rouvrons l’histoire littéraire, et parlons de Beigbeder tel qu’on doit en parler : éminent représentant de la littérature populaire, qui a toujours existé, allant du colportage au roman feuilleton. Profitons de cet intermède people, comme vous le prétendez, oublieux semble-t-il, des 200 autres posts écrits depuis quatre mois, pour évoquer Paul de Kock par exemple. Le sujet est passionnant ! Comme dit Ess ci-dessus, fort justement, "qui me fera croire (fans à part) qu'il pense sincèrement dire dans 10 ans, "Moi? mon auteur favori? c'est Beigbeder"
Cependant, je note que lorsqu’on vient prêcher pour sa paroisse, on préfère le faire dans les pages people de Voici ou de Gala que dans la Quinzaine littéraire… On a plus de chance d’être entendu… et lu ! :)
Au demeurant, la paroisse pour laquelle vous officiez est d’une beauté rare, et mérite, plus que le détour, qu’on s’y arrête et s’y installe.
Rédigé par : Eli Flory | 02 mai 2005 à 17:37
Voir aussi: Gilles PHILIPPE, Sujet, verbe, complément. Le moment grammatical de la littérature française 1890-1940, Gallimard, " Bibliothèque des idées ", 2002. 258 p.
Dans cet ouvrage, on retrouve la querelle sur le style de Flaubert et les réflexions sur les exemples littéraires des grammairiens.
Rédigé par : Feuilly | 03 mai 2005 à 10:23
Je dois dire que les critiques que je formule à l'endroit de Beigbeder ne peuvent pas être résumées par celle qui met en cause son écriture; car je n'ai rien dit à ce sujet. Avec "99 francs", il n'a, à mon sens, ni bien, ni mal, écrit, au sens littéraire; mais il développe avec plus d'ampleur le sens de la formule qu'il a du développer et cultiver pour son activité de pubard. "Action littéraire" s'il en est, la publicité qui se condense dans une phrase, et une phrase capable d'hypnotiser un esprit, de s'y inscrire, d'être mémorisée, la publicité, bien sur, doit fasciner ses artisans puisqu'ils manipulent l'esprit, le leur, et celui des "consommateurs", et que leurs performances dans ce mariage du verbe et de l'image, se chiffrent, à des hauteurs vertigineuses. C'est cette expérience, personnelle, et pas seulement, qu'il a raconté dans "99 francs"; en somme, un publi-reportage, qu'il a vendu, en quittant son emploi -avec indemnités, si je ne m'abuse-, en le vendant aux lecteurs - je vous vends des secrets-, et aux éditeurs - dont un, Flammarion, chez qui désormais il cachetonne. Mais il ne s'agit nullement de bien ou de mal écrire - mais d'un récit; et s'il n'est pas "mal écrit" sur un plan littéraire, il est certainement superficiel, et ne rentre pas dans son sujet avec sérieux, puisqu'il n'a jamais eu l'intention de divulguer ses secrets, et ceux du "milieu". C'est donc un récit vraiment mensonger qu'il a refilé par x milliers d'exemplaires - c'est-à-dire un énième récit cynique. Avons-nous besoin de cela pour être édifié sur les experts parisiens es cynisme ? A force d'ajouter leur contribution à celle du voisin et de l'ami mondain, n'y a t-il pas dé-goût chez le lecteur et citoyen ? Encore faudrait-il qu'il comprenne qu'il est sujet - mais au sens royal du terme.
Rédigé par : grellety | 04 mai 2005 à 18:17