Glanées dans l’essai qu’Olivier Boura, agrégé d’histoire, a consacré il y a deux ans au cent ans du prix Goncourt, ces quelques lignes doublement d’actualité, à la veille de la grève des enseignants et à un mois de l’attribution du prix Goncourt. Cette réflexion accompagne la mention de Colette, première femme à avoir siégé à l’académie Goncourt, de 1945 à 1954…
« La forteresse prétendue du machisme littéraire avait donc sauté. À tout le moins une brèche était ouverte. Un tabou brisé. Mais au-delà des circonstances cette révolution – qui n’est pas achevée – peut être interprétée de manières diverses et contradictoires. On peut y voir, bien sûr, la traduction en actes d’une émancipation. Dégagées enfin de leurs entraves, les femmes laissent éclater un talent, des qualités immenses dont l’humanité, absurde, s’était privée durant des siècles. Mouvement sans cesse amplifié par la féminisation de tous les secteurs situés, pour ainsi dire, en amont de la vie littéraire : accès désormais massif des filles, des jeunes femmes aux études, présence largement majoritaire ou accrue dans les métiers de l’éducation, tout ceci explique sans doute qu’aujourd’hui de plus en plus d’écrivains soient des écrivaines.
Mais aussi bien, et malgré qu’on en ait, on peut soutenir que cette féminisation – toute relative – des lettres n’est pas le reflet d’une promotion des femmes, mais celui du déclin de la littérature en tant qu’activité sociale.
C’est une constante que les groupes dominants abandonnent aux groupes dominés les activités dont la rentabilité économique et symbolique diminue.
Du temps où le professorat était une activité respectée, il était essentiellement masculin (cela est vrai encore pour l’enseignement supérieur). L’enseignement est désormais une activité surtout féminine, parce que peu valorisante et mal rémunérée. »
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