Les amoureux de (bonne) littérature américaine peuvent aller jeter un œil sur le site Whisky, Beat & Poésie… Au menu, des dossiers sur Bukowski, Burroughs, Bret Easton Ellis, John Fante, Selby et… Henry Miller, auteur pour lequel j’ai une véritable fascination. «L’étude a été pour moi le souverain remède contre les dégoûts de la vie, n’ayant jamais eu de chagrin qu’une heure de lecture ne m’ait ôté» écrivait Montesquieu… Si je ne peux prétendre à un tel détachement ataraxique devant les malversations de l’existence, je confesse toutefois que la lecture de Crazy cock, l’un des premiers romans d’Henry Miller - le deuxième je crois, relu une fois par an comme d’autres font des pèlerinages, m’arrache, au milieu des larmes, des éclats de rire dévastateurs.
Fait son apparition, pour la première fois, la figure de June, la deuxième femme de Miller, sous les traits d’Hildred, qui deviendra Mona dans Tropique du Cancer et Mara dans Crucifixion en rose.
Tony Bring est un jeune écrivain en mal d’inspiration. Il vit aux crochets de sa femme, Hildred, qui l’encourage dans son art. Serveuse très courtisée dans un bar du Village, à New York, elle déploie des trésors d’imagination combinarde pour assurer la subsistance du jeune ménage. Un jour, elle rencontre Vanya, artiste ratée et dépressive mais belle et fantasque, dont elle s’entiche sur le champ…
Comme dans une boutique de brocanteur, on trouve de tout dans les romans d’Henry Miller. Les images les plus hétéroclites sont convoquées pour décrire "la vie de Bohême" avec une justesse époustouflante. Malgré le tragique et le mortifère de cet imbroglio sentimental, Miller parvient à extraire l’absurde de chaque situation avec jubilation. On rit de bon cœur, oublieux souvent du cynisme et du désenchantement de l’auteur, qui fait que sitôt que l’on vient de s’étrangler de rire, on devrait s’étrangler tout court. Tout n’est pas beau dans ce que raconte Miller, mais il le fait avec une telle présence d’esprit que les situations les plus insoutenables deviennent cocasses et irrésistibles d’humour. Au style le plus concis succèdent des envolées verbales qui frisent le surréalisme ; l’obscène est tantôt passé sous silence tantôt développé dans tout ce qu’il a de plus cru et de plus sordide. En vérité, une grande liberté d’expression qui fait de cet écrivain un très grand, souvent copié mais jamais égalé.
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