Le 23 janvier 2004, Helmut Newton se tuait au volant de sa voiture dans une rue d’Hollywood… Quelques jours plus tard, presque tous les quotidiens français faisaient de la mort du photographe l’événement...
Libération réservait une place de choix à la disparition du « voyeur professionnel ». Brigitte Ollier remarquait avec malice qu’« Helmut Newton sort des clichés » et rappelait comment, à ses débuts, des « lectrices indignées du Vogue américain ou féministes allemandes poursuivaient sans relâche ce grand méchant loup de la photographie ». Jamais à court de provocations, Newton revendiquait sa superficialité : « Je ne suis pas un photographe qui fait un commentaire social comme Sebastião Salgado ou Henri Cartier-Bresson ». Il était juste celui qui a « pulvérisé les codes classiques de la photographie de mode. » S’il fallait lui trouver un équivalent littéraire ? Et Newton de se comparer à Stefan Zweig « qui a écrit sur la bourgeoisie ». À la fin de sa vie, Newton s’était éloigné des magazines de mode pour se consacrer à des expositions et à l’écriture. Il avait légué ses archives à sa ville natale, Berlin qui « le retrouve juste avant de le perdre », comme le titre Odile Benyahia-Kouider. À cette occasion, Christina Weiss, secrétaire d’Etat allemande à la Culture dira : « Cela honore l’Allemagne que Helmut Newton, que l’on avait jadis chassé d’ici – [NDLR ses parents étaient juifs allemands] – ait tendu la main en signe de réconciliation. »
L’éditorial de Jean-Michel Thénard, toujours dans Libération, soulignait les paradoxes du bonhomme : ce dinosaure de la « préhistoire du « porno chic » à la une des magazines » a réinventé la femme, malgré les dénégations féministes : « Là où elles croyaient lire la déclinaison sempiternelle de l’alphabet des clichés du désir mâle, il fallait voir surtout le portrait d’une condition féminine en pleine révolution ». Celui qui a été formé chez Yva, photographe berlinoise qui l’avait recueilli en stage alors qu’il n’avait que seize ans et qui meurt déportée à Auschwitz, donne parfois dans la photo politique. Quand il photographie « Le Pen entouré de ses dobermans », les réminiscences d’un portrait d’Hitler, pour « ce jeune juif qui avait dû fuir Berlin pour échapper à la dictature nazie » ne sont pas loin.
C’est certainement Magali Jauffret, pour le journal L’Humanité, qui résumait le mieux le cas Newton :
« Helmut Newton ne se résume pas à la mauvaise réputation de ses provocations formelles. Et l'on sait peu que fonctionnant comme un journaliste, prenant toujours des notes dans des carnets, il se rattachait directement, dans sa tête, à la grande tradition de la photo documentaire et du photojournalisme à la Weegge. La rue était son univers. C'est elle et ses faits divers qui l'inspiraient. On connaît mal, aussi, ses meilleurs travaux : Catherine Deneuve, en Belle de jour, de Bunuel, jamais aussi magnifiée que par lui photographiée, Jean-Marie Le Pen en Adolphe Hitler, posant avec ses deux dobermans, le corbeau de l'affaire Grégory, bête empaillée posant devant la Vologne, dans la meilleure veine de l'expressionnisme allemand".
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