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09 février 2006

Commentaires

hecate

Oui et non...
Pourquoi l'autofiction serait elle plus un roman que la nouvelle ou le roman clairement assumé? L'auteur se donne-t-il vraiment davantage à lire en jouant sur les paradoxes de sa mémoire, en distillant obligeamment des infos sur son auguste personne, qu'en allant dans des situations apparemment loin de lui ou d'elle?
Est ce que les multiples masques de Kundera me donnent plus à lire de lui que la prose d'un Nick Toshes qui en parlant des autres, brigands, rockers, jazzmen parlent d'une époque qui lui est chère et infiniment proche, et partant de là de lui.
Est ce que Philip Roth dans son oeuvre fait oeuvre de fiction pure ou d'autofiction? Ou Amos Oz ou Faulkner?
Personnellement je ne crois pas à cette différentiation, pour moi dans une oeuvre romanesque, lorsqu'on a la curiosité ou le goût de la confronter à la bio de leurs auteurs on découvre infiniment plus que derrière ces masques supposés dévoiler l'intime.
Nous avons déjà eu cette discussion, chère amie, autour d'un auteur que vous appréciez et qui pour ma part me laisse totalement froide, Camille Laurens. Ce que j'ai lu, admis, compris des deux livres que j'ai lu d'elle, c'est une piteuse déclamation du moi, une pratique d'exhibitionniste geignarde.
Ce que je lis chez Faulkner ou O'Connor, ce sont des mondes, des sensations, des idées, des théories, de petits morceaux d'intime distillés dans une phrase, une situation et pour moi, là, se crée à la fois le génie des auteurs et le lien avec le lecteur. Je ne suis plus conviée à observer au microscope les dessous de l'auteur, mais bien à participer, à partager un peu de sa réflexion, de son attachement ou de sa fureur face au monde qui l'environne.
L'autofiction ne promet aucun pacte parce qu'elle n'est que le délestage d'un "moi" adolescent et autocentré.

Clairette

« ... on pourrait affirmer que tous les romans sont "à clés", hormis peut-être les romans de science-fiction... »

... Ah bon ? On ne doit pas lire la même science-fiction.

Feuilly

Malraux, dans ses "Anti-Mémoires", mélangeait déjà biographie et mensonge. On lui a reproché de falsifier des faits, de tomber dans la mythomanie, mais sa démarche n'avait peut-être pas d'autre but que de romancer sa vie.

Si la littérature trouve sa définition dans la fiction, alors l’auto-fiction est bien de la littérature. Disons que c’est une littérature dans laquelle la part de « vrai » est tout de même très importante.
Le problème, en fait, c’est le mélange des genres. En se donnant comme autobiographiques, ces écrits revendiquent l’accès à une certaine vérité (car par définition, une biographie n’est pas une fiction, c’est le résumé soi-disant objectif d’une vie ; évidemment, on sait que celui qui en est l’auteur ne peut donner sur sa vie qu’un point de vue subjectif, mais au moins a-t-il au départ l’intention d’être honnête et de ne pas falsifier à dessein les événements qu’il raconte)

Or, dans l’auto-fiction, cette objectivité biographique est niée d’entrée de jeu. On se retrouve donc dans une zone trouble où invention et vérité se font écho.

Il ne faut pas confondre ce cas avec celui de l’œuvre de fiction où le romancier fait parler son personnage en « je ». Là, tout est inventé, mais souvent le lecteur confond le héros, le je énonciateur et l’auteur lui-même. Notons que dans un roman en « je », par définition, le narrateur (héros) a déjà vécu les faits qu’il raconte (puisqu’il les raconte). Ce sont bien sûr des faits imaginaires, mais le lecteur l’oublie souvent, impressionné qu’il est par le discours de ce « je » qui parle. Dans un roman à la troisième personne, au contraire, l’auteur-narrateur est omniscient et le héros subit les faits ou les découvre au fur et à mesure. La subtilité consiste parfois pour l’auteur à nous faire découvrir les faits par les yeux du personnage au moment où ils se produisent. Au XIX°, l’auteur était surtout extérieur à son personnage. Au XX° il se coule plus à l’intérieur. Avec l’auto-fiction, c’est l’auteur lui-même qui devient le personnage. Mais quel est l’intérêt s’il ne parle que de lui-même ?

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