En deux semaines, l’Académie française vient de perdre son 24e fauteuil (Jean-François Revel) et son 25e fauteuil (le professeur Jean Bernard.)
Le 17 décembre 1987, c’est Marguerite Yourcenar qui laissait vacant le 3e fauteuil, auquel elle avait remplacé Roger Caillois. En s’asseyant sous les ors de la Coupole, Yourcenar était entrée dans l’Histoire : elle était la première femme à devenir « immortelle ». Le 22 janvier 1981, jour de son investiture, elle est veuve depuis peu de Grace Frick, avec qui elle « a partagé sa maison » pendant quarante ans. Lors du discours qu’elle prononce en présence du président Giscard d’Estaing, devant les caméras de France 3, elle dit entrer à l’Académie « entourée, accompagnée d’une troupe invisible de femmes qui auraient dû, peut-être, recevoir beaucoup plus tôt cet honneur, au point que je suis tentée de m’effacer pour laisser passer leurs ombres. »
On raconte que son élection a été particulièrement difficile. Si certains lui reconnaissent un « talent mâle » ( ?!!!!!), d’autres, comme Albert Cohen, se demandent comment une femme « si grosse et si moche » (je cite !) peut être un grand écrivain !
Pas rancunière pour deux sous mais dédaigneuse des honneurs, Marguerite Yourcenar ne se rendra qu’une seule fois quai Conti : « J’y suis allée une fois, ce sont de vieux gamins qui s’amusent ensemble le jeudi. Je crois qu’une femme n’a pas grand-chose à faire là-dedans. »
Les vieux gamins s’en souviendront : aucun d’entre eux ne sera présent au service funèbre célébré à sa mémoire le 16 janvier 1988.
La réflexion de Yourcenar dit tout ce qu'il y a à dire sur cette absence de femmes à l'Académie Française. Par ailleurs littérature et honneurs sont un fleuve et une rue passante qui ne se rencontrent jamais.
Rédigé par : sancho | 02 mai 2006 à 16:47
merci pour la citation.
Rédigé par : raskolnikov | 02 mai 2006 à 20:26
Pour répondre au commentaire de Sancho : à part pour Victor Hugo !-)
Rédigé par : bregman | 29 mai 2006 à 14:40