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15 janvier 2007

Commentaires

dash

....
moi j'avais bien aimé...
sinon, quoi de neuf, à l'auberge?

;-)
dash

Jef Tombeur

Je vous trouve un peu approximative dans votre présentation de cet essai. C'est normal, le temps et aussi un peu la place, vous sont comptés. Despentes ne prétend pas rédiger autre chose qu'un essai. Qu'il apporte sa pierre ou son grain ou son eau aux études féministes ou de genre me semble cependant indéniable.

Je viens de relire le dernier chapitre, et je ne comprends pas plus qu'avant ce qu'aurait pu vouloir dire Éric Naulleau, que je n'ai pas lu. Que l'auteure se situe plus du côté des vulves que des pénis, des sujet·te·s que des régnant·e·s et possédant·e·s ? C'est indéniable ; tout comme le mot de la fin, soit salut les filles et prenez soin de vous, s'adresse en priorité aux femmes (et peut-être aux trans ou aux travs, je vous l'accorderai bien volontiers).

Il y a effectivement du _Just Do It_ chez Despentes, à la Jerry Rubin. Ce n'est pas très éloigné du féminisme foisonnant des années 1970, tant en France que dans le monde occidental. Je ne sais pas ce que vous avez pu vivre de ce(s) féminisme(s) ou ce que vous avez pu en lire. Je crains que votre appréciation soit un peu trop… à l'emporte-pièce, et « dictée » par ce qu'il vous a été inculqué par la classe dominante et celles qui ont su la rejoindre pour s'imposer en tant que seules détentrices des règles du spectaculaire-marchand (c'est énoncer de faibles généralités tout autant à l'emporte-pièce, j'en conviens). Soit que vous repreniez à votre compte un _conventional wisdom_ bien commode mais très réducteur.

Personne ne vous en veut, et certes pas Despentes, de n'avoir pas fréquenté le milieu de l'industrie pornographique, de la prostitution, de n'avoir pas été victime d'agressions sexuelles (si c'est le cas). Personne ne disqualifie votre opinion sur le mode de l'intimidation du « d'où parles-tu ? », intimidation qui reste parfois nécessaire, j'en conviens aussi. Et vous ne critiquez pas Despentes pour ses approximations ou ses outrances, vous admettez qu'elle se conforme au genre de l'essai. Simplement, je trouve que le « Théorie » du titre introduit effectivement une distanciation, une ironie, et une critique sous-jacente de diverses théories.
Mais dire que Despentes se situe au « degré zéro de la théorie », c'est un peu farce. Vous m'indiquerez, voudrez-vous bien, les degrés un à cent de la science en études féministes et de genre.

Je ne suis [i]queer[/i] sans doute, qu'à vos yeux et à quelques autres, parce que je ne me sens pas vraiment très étranger, très en étrangeté d'avec, au féminisme de Despentes. Je vous pose simplement la question : en qualifiant cet essai de Despentes de « profession de foi [i]queer[/i] », en considérant que le féminisme de Despentes est « bien mal nommé », vous roulez pour qui ? Je vous laisse vous répondre…

Eli Flory

Ce qui me paraît jurer chez Despentes avec certains mouvements féministes des seventies, qui avaient voué aux gémonies l’homme, c’est que justement elle ne se situe pas plus « du côté des vulves que du pénis »
D’où le titre de mon billet, « un féminisme pour tous » (et chez elle le titre du chapitre IV, « Coucher avec l’ennemi », à l’ironie grinçante à l’endroit de ce féminisme-là, misandre)
Quant au mot de la fin, que vous relevez, dans un chapitre intitulé « Salut les filles », notez ces lignes qui précèdent : « Le féminisme est une révolution, pas un réaménagement des consignes marketing, pas une vague promotion de la fellation ou de l’échangisme, il n’est pas seulement question d’améliorer les salaires d’appoint (et moi je rajouterai la féminisation de l’orthographe). Le féminisme est une aventure collective, pour les femmes, pour les hommes, et pour les autres. Une révolution, bien en marche. Une vision du monde, un choix. Il ne s’agit pas d’opposer les petits avantages des femmes aux petits acquis des hommes, mais bien de tout foutre en l’air. »

Le féminisme, tel que le définit Despentes, ne s’assimile plus à la dénonciation des privautés patriarcales : c’est une sommation à en finir avec un société qui s’est construite sur la distinction des genres.
De là, l’injonction récurrente, tout au long du livre, à une libération des hommes (c’est logique d’ailleurs, de quoi peuvent se libérer les femmes qui ne soit pas sans conséquence sur la posture masculine, et vice-versa ?)

Quelques phrases :

« La virilité traditionnelle est une entreprise aussi mutilatrice que l’assignement à la féminité. » (p.30)

« Si nous n’allons pas vers cet inconnu qu’est la révolution des genres, nous connaissons exactement ce vers quoi nous régressons. » (p.31)

« Ce qui explose, quand explosent les censures imposées par les dirigeants, c’est un ordre moral fondé sur l’exploitation de tous. La famille, la virilité guerrière, la pudeur, toutes les valeurs traditionnelles visent à assigner chaque sexe à son rôle. Les hommes, en cadavres gratuits pour l’Etat, les femmes, en esclaves des hommes. Au final, tous asservis, nos sexualités confisquées, fliquées, normées. » (p.116)

« À quand l’émancipation masculine ? » p.154

À noter, de très beaux passages sur la prostitution, qui rappellent Grisélidis Réal, où l’homme est traité avec bienveillance (« Dans ma petite expérience, les clients étaient lourds d’humanité, de fragilité, de détresse » p.70)

Qu’est-ce que la « King Kong Theorie » ? La « métaphore d’une sexualité d’avant la distinction des genres » (p.120)

Ainsi quand j’utilise le mot de « queer », c’est selon son acception d’"écart" ou de "résistance" par rapport à la tyrannie de la norme, et notamment celle des genres.

À d’autres moments cependant, je trouve Despentes encore « prisonnière » de cette bipolarité féminin/masculin, contre laquelle elle s’insurge.
Son chapitre sur la pornographie est assez ambigu à cet égard. On sent chez Despentes l’influence des « féministes pro-sexe »… Pourtant, si elle note la vision hétérocentrée du porno (« Le X est aussi la façon qu’ont les hommes d’imaginer ce qu’ils feraient s’ils étaient des femmes, comme ils s’appliqueraient à donner satisfaction à d’autres hommes, à être de bonnes salopes, des créatures bouffeuses de bites. (p.109) » ; « Les hommes seuls imaginent le porno, le mettent en scène, le regardent, en tirent profit et le désir féminin est soumis à la même distorsion : il doit passer par le regard masculin » (p.110)), elle continue à écrire que le corps féminin y est « mis en valeur ». Mais de quel corps au juste parle-t-elle ?
D’après Despentes, le porno (hétéro) déclenche des cris d’orfraie parce qu’il transgresse le tabou suivant : « Dans les films, la hardeuse a une sexualité d’homme » (p.108. Et Despentes d’ajouter : « Pour être plus précise : elle se comporte exactement comme un homosexuel en back-room (…) Elle veut du sexe, avec n’importe qui, elle en veut par tous les trous et elle en jouit à tous les coups. Comme un homme s’il avait un corps de femme. »
Comment peut-on à la fois dénoncer l’asservissement de la femme et penser son corps uniquement comme un réceptacle ? Justement, et c’est là que le bât blesse dans le porno hétéro, c’est que jamais on ne verra un homme se faire prendre par une fille… Or, si une femme baisait « comme un homme », c’est ce qu’elle s’empresserait de faire !
Pourquoi ne pas avoir évoqué le porno lesbien (réalisé par des femmes, j’entends) ? D’autant plus que Despentes fait l’aveu de son goût des femmes dans le dernier chapitre de son livre, quand elle évoque Thérèse et Isabelle, le roman de Violette Leduc au sujet duquel Simone de Beauvoir aurait écrit après l’avoir lu : « Quant à publier ça, impossible. C’est une histoire de sexualité lesbienne aussi crue que du Genet » : « Moi, je suis de ce sexe-là, celui qui doit se taire, qu’on fait taire (p.148) » (on entend la Djuna Barnes de l’Almanach des Dames, quand elle définit le lesbianisme comme « l’anomalie qui réclame le nom caché ».)

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