« Je fume avec douceur dans la nuit profonde et pleines d’étoiles »…Ce sont par ces mots que débute le Journal de Mireille Havet, publié en deux tomes chez Claire Paulhan et mis à l’honneur pendant une semaine sur France Culture. À partir du 7 mai jusqu’au 11 mai, Béatrice Leca en lira des extraits, de 15H40 à 16H
Des «pages arrachées au Journal de Mireille Havet », à suivre comme un feuilleton :
1er épisode, lundi 7 mai: Chassée de l’enfance
2e épisode, mardi 8 mai: Cortège des morts
3e épisode, mercredi 9 mai : Rondes de la fête, rondes de l’angoisse
4e épisode, jeudi 10 mai : Dernière danse
5e et dernier épisode, vendredi 11 mai: La nuit s’avance
Claire Paulhan raconte la découverte de ce texte fabuleux, unique pour l’heure en son genre :
Etienne Alain Hubert, qui avait été mon professeur, m’appelle un jour pour me dire qu’au cours de ses recherches sur Apollinaire, il est tombé sur le journal d’une petite jeune fille totalement inconnue : « ça vous intéresserait » m’assure-t-il. Je pense in petto : « De quoi se mêle-t-il, je sais choisir mes textes toute seule ! »
Il me donne un numéro de téléphone, j’appelle quand même… Je tombe sur une voix adorable… Je prends alors rendez-vous avec cette vieille dame, Dominique Tiry, qui est la petite-fille de l’exécutrice testamentaire de Mireille Havet. J’arrive en retard avec mon vélo. Elle, assise sur un banc, m’attend gentiment, sans me reprocher mon retard, et commence à me raconter comment elle a trouvé ce journal. Elle est à la retraite dans sa maison de campagne - c’est une actrice qui a été professeur de théâtre – quand éclate un jour un violent orage. Elle monte au grenier pour retirer des choses parce qu’il y a une gouttière dans sa salle à manger. Elle redescend avec une petite mallette en cuir et un carton d’Evian. Quand elle ouvre le carton détrempé, elle y trouve des lettres d’Apollinaire, de Reverdy, de Cocteau. Elle commence à plonger là-dedans et n’en sort plus. Là-dessus, elle a un grave accident de santé, elle est hospitalisée pendant trois mois. Alors qu’elle est dans le coma et qu’elle ne reconnaît ni son mari ni ses filles, elle ne cesse de dire : « Il faut que je continue à lire Mireille Havet ». Elle sort par miracle du coma, sans que les médecins n’aient identifié son mal
C’est une histoire invraisemblable…
Oui, c’est le terme. Et encore, vous ne savez pas tout. Il se trouve que la maison de campagne dans laquelle Dominique Tiry a trouvé ce journal et ces lettres se situait à quelques kilomètres de l’endroit où Mireille Havet avait passé les deux premières années de la première guerre mondiale. Remise sur pieds, elle part avec son mari en repérage pour trouver cette fameuse maison, d’abord sans succès. Ils finissent par demander à la postière du coin si elle connaît l’existence d’une maison nommée « Le Colombier ». La postière hausse les épaules et pointe du doigt une bâtisse toute proche : « Ben c’est cette maison là, bien sûr ! »
Ils sonnent à la porte et tombent nez à nez avec les descendants de la famille qui avait loué la maison à Mireille Havet, ce qu’ils savent de source sûre. Dominique Tiry leur donne à lire les passages qui concernent leur demeure. Ils commencent à les recopier, puis ils recopient tout le journal, saisi intégralement sur leur ordinateur…
Ils vous ont mâché le travail !
Oui, ce qui a été pour moi une grande chance. J’ai découvert un journal très scrupuleusement saisi. C’est très difficile de lire un manuscrit, on a dû mal à sortir du simple déchiffrement des mots et à tirer une idée d’ensemble. Tout de suite j’ai dit à Dominique Tiry qu’elle avait entre les mains un journal extraordinaire : « On va travailler ensemble, ne bougez pas, surtout n’allez pas voir d’autres éditeurs… » Je suis devenue très amie avec elle, avec les Plateau… Nous avons cherché désespérément qui était l’ayant droit de Mireille Havet, sans succès. On a publié le premier tome sans l’avoir trouvé.
Celui-ci ne s’est-il jamais manifesté ?
Si ! Un jour, un monsieur m’a envoyé une lettre recommandée en me reprochant d’avoir publié le journal de sa grand-tante sans autorisation préalable. Nous nous sommes rencontrés. Maintenant, il participe à l’appareil critique des œuvres de son aïeule, dont il est très proche d’esprit. Mettez-vous à sa place. Il a dû au début se sentir agressé. Personne n’avait jamais parlé de Mireille Havet et tout d’un coup il lit des articles dithyrambiques à son sujet !
Justement, parlez-moi d’elle…
Elle a un lyrisme très particulier, y compris quand elle parle d’homosexualité. Ce qui me semble très important, pour se replacer du point de vue de l’histoire littéraire, c’est de noter que le journal de Mireille Havet est le premier qui évoque l’homosexualité féminine. Pour l’instant, c’est le seul témoignage autobiographique de cette portée-là. Pourtant, elle gravitait dans le milieu lesbien de l’époque, animé par Natalie Clifford Barney. On peut penser que si cette dernière avait tenu un journal, ç’aurait été le premier à être édité…
Et René Vivien ?
Sa forme littéraire, c’était la poésie… Elle a écrit des poèmes autobiographiques. Et puis il y a toute une théorie maintenant qui dit que Renée Vivien n’était pas du tout homosexuelle, toute une contre-réforme qui s’impose… Moi je ne suis pas du tout persuadée de cela !
Le goût que Mireille Havet avait pour les femmes ne fait aucun doute, en revanche…
Oui, elle ne cèle pas ses aventures, ni les passions qu’elle a eues pour la comtesse de Limur, pour Marcelle Garros, l’autre femme de la haute société dont elle tombe amoureuse et avec laquelle elle a une liaison pendant quatre ans, au vu et au su de tout le monde.
Il y avait une possibilité pour les lesbiennes de cette époque là, qui avaient de l’argent et qui évoluaient dans un milieu littéraire, de s’exprimer et de vivre au grand jour mais il ne fallait surtout pas qu’elles sortent de certains codes, qui étaient extrêmement précis. Et Mireille Havet, elle, n’a pas compris cela, elle a tout transgressé et s’est fait taper dessus avec une grande violence. Elle a tout pris en pleine figure parce qu’elle n’a pas su s’adapter, contrairement aux autres.
Et puis, il y avait aussi le complexe physique, qu’on retrouve chez Violette Leduc…
Leduc, on a des photos d’elle prises sur le tard. Mais à l’époque du pensionnat, elle devait être une jeune fille dotée de quelque chose de très troublant. J’ai des photos de Mireille Havet jeune fille, que je n’ai pas encore publiées et sur lesquelles elle est très mignonne. Et puis, elle a cette espèce de superbe qui fait qu’elle pense que tout va lui être ouvert. D’après Dominique Tiry, c’est vraiment une sorte d’orgueil familial : elle a fréquenté d’emblée les plus grands poètes, les plus grands peintres, Apollinaire, Cocteau, Picabia. Elle avait un côté Minou Drouet, c’était un petit génie et elle n’a pas vu venir que le manque d’argent, le vieillissement, sa place dans la société allaient progressivement lui fermer tous les horizons, sans parler de la drogue…
Comme Annemarie Schwarzenbach ?
Schwarzenbach était riche. Vous remarquerez qu’à part Violette Leduc, toutes ces femmes lesbiennes qui ont réussi à vivre leur sexualité ou à afficher leur rapport au monde différent avaient de l’argent. Moi, c’est ce qui m’a le plus frappée et ce je trouve le plus émouvant dans le journal de Mireille Havet, c’est qu’elle se suicide socialement et intellectuellement, la drogue la ravage, mais qu’elle parvient à tenir un journal éblouissant jusqu’au bout. C’est quelque chose qui arrache les larmes.
(Propos recueillis par Eli Flory, chez Claire Paulhan, le 23 avril 2007 en fin d’après-midi)
bonjour,j'ai vainement tenté de commander le tome un du journal de Mireille Havet chez Forum LIBRAIRIE; ECHEC TOTAL après 5 essais en 5 mois.Pouvez vous faire quelquechose, en direct. Vous me joindrez sous: [email protected]. Je suis au demeurant novelliste ( et poète, quoiqu'ancien professeur des Universités). Mon éditeur est en passe de déposer son bilan. Puisje vous envoyer, ( comité de lecture) un petit recueil de 24 nouvelles étranges de 4 à 5 pages? Des précisions sur Charles Walker: dans wikipedia, en précisant Ch W poète français: puisque dans d'autre vies je suis également Jazzman américain, boxeur, cosmonaute... Bref , de même que mon cousin Pessoa, autre boxeur portugais, je dispose d'environ une centaine de vies par le biais de l'hétéronymie.Plus sérieusement merci de m'indiquer comment accéder à Mireille Havet Charles walker
Rédigé par : mireille havet: imposibble à commander | 07 juillet 2010 à 17:18
Bonjour j'essaye moi aussi de me procurer la correspondance entre Apollinaire et Mlle Havet , dans le cadre de recherches pour un monument historique : La Chartreuse de Neuville car ils y ont tous les deux séjournés . J'espère avoir bientôt de vos nouvelles.
Cordialement
Rédigé par : Mlle Loose Lara | 02 janvier 2012 à 14:32