Un jour qu'il se caresse sur la place publique, Diogène le Cynique s'écrie : "Plût au ciel qu'il suffît aussi de se frotter le ventre pour ne plus avoir faim !" Si la satisfaction de nos désirs est à portée de main, elle n’est pas sans danger. Le médecin suisse Samuel-Auguste Tissot (1728-1799) avait publié en 1759, un traité scientifique, De l’onanisme, dans lequel il dépeignait les ravages opérés sur l’organisme par la pratique d’Onan. Ainsi Voltaire les évoque-t-il dans son Dictionnaire philosophique : « M. Tissot, fameux médecin de Lausanne, a fait aussi son Onanisme, plus approfondi et plus méthodique que celui d’Angleterre. Ces deux ouvrages étalent les suites funestes de cette malheureuse habitude, la perte des forces, l’impuissance, la dépravation de l’estomac et des viscères, les tremblements, les vertiges, l’hébétation, et souvent une mort prématurée. Il y en a des exemples qui font frémir ». Et le patriarche de Ferney d’ajouter qu’il n’y a pas de meilleur remède contre tous ces maux que le quinquina, « pourvu qu’on se défît absolument de cette habitude honteuse et funeste, si commune aux écoliers, aux pages, et aux jeunes moines. » Pour une fois, Jean-Jacques Rousseau aurait opiné du chef, lui qui, en avril 1728, à peine entré à l'Hospice des catéchumènes de la confraternité du Spirito Santo, découvre à son corps défendant la bien curieuse coutume de la congrégation : « Cette aventure me mit pour l’avenir à couvert des entreprises de chevaliers de la manchette », lit-on dans les Confessions. Tissot semble ignorer toutefois que l’amour rend aveugle, surtout celui que l’on fait avec soi-même. Dans son Journal, Benjamin Constant révèle que, chaque fois qu’il se masturbe, il gémit en s’exclamant « mes pauvres yeux ! ». Quant à Nietzsche, que le docteur Eiser de Francfort reçoit en consultation en 1877, et à qui le philosophe avoue se masturber souvent, son cas semble désespéré. Le médecin écrit tout de go à Wagner que « compte tenu de la ténacité de ce vice », il y a peu d’espoir que « Nietzsche retrouve jamais un heureux équilibre optique". À n’en pas croire ses yeux !
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