Un siècle plus tard, le Gamiani de Musset pèche par excès : l’obscène est codifié, l’indécence stéréotypée. Grand moment de franche rigolade, qui, comme tout plaisir, peut être solitaire. Passons sur l’artificiel de la forme qui mêle, de manière confuse, dialogues théâtraux et réflexions du narrateur. Passons aussi sur la mise en scène, fort sommaire et éculée, du voyeur épiant derrière une porte ou un trou de serrure. Quant au condensé de toutes les "perversions" recensées comme monstrueuses par le Grand Dictionnaire Universel du XIXième siècle, triolisme, échangisme, tribadisme (le mot n’a de prestigieux que son ascendance grecque, pour le reste il est fort réducteur quant aux plaisirs que peuvent échanger deux femmes entre elles, en dehors des réunions Tupperware), sado-masochisme, zoophilie, nécrophilie…, il est à mourir de rire, tant par sa gratuité que par son décousu invraisemblable. Cet amalgame imbittable mais pas imbattable, en dit long sur la mentalité de ce siècle bien-pensant qu’est le XIXe siècle. Le moralisme de mauvais aloi et le sentimentalisme "cucul la praline" qui traversent l’œuvre de bout(s) en bout(s) sont à l’opposé de la prose libertine ! Gamiani ou deux nuits d’excès ne peut pas être autre chose qu’une PARODIE d’un genre affadi, du style « Blanche-Fesses et les sept mains », gentiment blasphématoire à la manière du dernier clip de Marylin Manson ! On imagine assez bien Rocco Siffredi, italien de surcroît, dans le rôle d’Alcide - ce qui n’aurait déplu ni à Musset ni à Sand férus tous deux du pays du "Bel canto"- susurrer dans l’oreille d’une porno-star, sous la direction de Catherine Breillat, plus fine tout de même que Marc Dorcel : "Gamiani, excitez-moi que j’arrose cette jeune fleur de la rosée céleste. "
En matière de littérature érotique et libertine, il est grand temps de relire les classiques dignes d’être portés au pinacle, la philosophie dans le boudoir plutôt que dans le mouroir de la morale ; Boccace, Catulle Mendès, cet anonyme anglais de l’époque victorienne à qui l’on doit Ma vie secrète, Apollinaire, le magnifique Thérèse et Isabelle de Violette Leduc, Mme Edwarda de Bataille, Miller à Anaïs Nin et à Brenda Vénus… Le Père Garasse tenait l’œuvre de Rabelais pour l’Enchiridion du libertinage. Les romans rassemblés dans les deux tomes de la Pléiade pourraient en être, à lire d’une main distraite, en espérant que leur lecture rappelle la douceur que certains ont goûtée à les écrire.
"En matière de littérature érotique et libertine" dites-vous. J'ai écrit un roman nommé MONTER LA VIE A CRU publié par Mon Petit Editeur. Pourriez-vous en prendre connaissance et le pourfendre dans vos colonnes?
www.monpetitediteur.com/librairie
Voici la 4° de couverture :
Zelma et Hunt, personnages principaux de Monter la vie à cru, ne sont pas des êtres conventionnels. Ils ont vécu intensément les dernières années de cette période faste que l’on a appelée « Les Trente Glorieuses ».
A cette époque, portée par un sentiment de puissance illimitée qui avait soulevé le monde économique, la société évoluait à grande vitesse. Les êtres s’exprimaient, et les femmes profitèrent des ouvertures qui s’offraient à elles.
Zelma et Hunt, au sein de cette explosion vitale et créatrice, eurent l’opportunité, voire l’intelligence, de s’affranchir des contraintes qui avaient ligoté leurs aînés. Leur grandissement fut une aventure, leur avancée une douloureuse exploration, mais combien épanouissante, valorisante, libératrice !
On ne peut qu’aimer ce couple : ils s’aimaient tellement l’un, l’autre.
Rédigé par : Georges Lautier | 08 juin 2011 à 06:59